J’avais brièvement évoqué les évènements survenus dans le charolais entre juin et novembre 2020 et qui avaient pris fin avec l’abattage du loup dans le cadre légal d’un tir de défense. Cette année c’est dans le Mâconnais Clunysois que se joue l’acte 2 avec des prédations sur troupeaux à Serrières, Pierreclos , La vineuse, Flagy, Cortevaix et plus tôt en janvier sur étrigny et Culles les roches..Comme en 2020, stupeur, désolation et impuissance des uns et des autres à endiguer l’évènement. La solidarité des éleveurs se manifeste, on s’épaule se soutient , on fait corps mais pendant ce temps là le carnage continue.. Les services de l’état sont mobilisés, lieutenants de louveterie, OFB, préfecture etc…mais pendant ce temps là le carnage continue…Chacun se demande, moi compris, qui sera le prochain sur la liste noire. La tension monte dans les campagnes, pour ceux qui n’avaient pas anticipé cette hypothèse d’une implantation prochaine du loup dans le département (il y passe depuis 2013…) c’est l’incompréhension totale, la colère . Elle s’est exprimée, mais de façon très contrôlée, et c’est tout à l’honneur des participants ,ce lundi, devant la préfecture de Mâcon avec le dépôt des animaux tués les jours précédents, une délégation d’éleveurs a été reçue en préfecture, et pendant ce temps là le carnage prochain se prépare , au creux d’un vallon, en lisière d’une forêt…
En ce qui me concerne c’est aux hommes que je pense, à celles et ceux qui souffrent chaque jour de voir leurs bêtes massacrées, qui vivent dans l’angoisse d’une nouvelle attaque, qui ne dorment plus, dont la vie de famille, sociale se délitent.Pour moi nous sommes , nous, les éleveurs, la vraie espèce en danger.
Qui acceptera longtemps de voir ses efforts de tout un hiver pendant la délicate période de l’agnelage partir en tripes à l’air dès le mois d’avril ? Qui acceptera encore longtemps de faire sa journée de travail puis d’aller faire des rondes la nuit pour surveiller ses bêtes ? Qui acceptera encore longtemps de voir son revenu amputé chaque mois au nom de la bio diversité ? Le loup étant une espèce strictement protégée, la question n’est pas d’être pour ou contre, mais plutôt comment fait on pour vivre avec ?
A ce jour, personne ne sait, les moyens de protection , filet électrifiés, chiens de protection montrent leurs limites voire leur inefficacité (cf conférence Laurent garde à Bulle en suisse en 2017, »La faillite des moyens de protection des troupeaux ») tout au mieux évitent ils un temps ,des carnages à plus grande échelle. Depuis 1992 et son retour le loup a compris qu’il risquait peu à prélever des animaux domestiques, moins qu’à affronter un sanglier ou un cerf dans la force de l’âge…Des générations de louveteaux ont été élevés selon se principe, nous en récoltons simplement les fruits aujourd’hui. Est ce sans espoir ? devrons nous renoncer au pâturage pour nos animaux, cesser d’entretenir nos campagnes par leur présence?, je ne suis pas prêt à m’y résigner ! d’autant que la communauté scientifique évolue beaucoup sur la question, ainsi les chercheurs du réseau codapht ont ils publié une synthèse très pertinente de la situation en France, et que conseillent ils ? Instaurer avec les loups des relations de réciprocité, c’est à dire :
« Associer la présence d’humains travaillant avec les troupeaux à un réel danger.
Une autre piste pour assurer la résilience et la viabilité des systèmes d’élevages d’herbivores de plein air, est de rétablir une relation de réciprocité entre loup et humains. Elle peut s’envisager comme l’instauration d’une forme de respect mutuel fondé sur des signaux clairs et des règles strictes, à rappeler de temps à autre, si besoin. Cette réciprocité implique l’utilisation possible de moyens létaux (tir et/ou piégeage) avant, pendant ou juste après une attaque, pour éliminer les individus ou groupes trop insistants et associer la présence d’humains travaillant avec les troupeaux à un réel danger. L’efficacité des moyens de protection et de répulsion non létaux devrait s’en trouver améliorée, en raison du rétablissement de la crainte des loups à l’égard des humains (risque de blessure grave ou de mortalité). Ces moyens joueraient alors le rôle de signaux de rappel du danger en cas de non-respect, et ne seraient plus à considérer comme des barrières supposées infranchissables. Cette approche a déjà fait ses preuves dans des pays où humains et loups se côtoient depuis longtemps, notamment en Asie centrale. Elle présente l’avantage de redonner aux éleveurs une marge de manœuvre afin de réagir immédiatement, en ciblant les loups les plus insistants, tout en limitant le nombre à éliminer.
La gestion des relations avec des prédateurs opportunistes et intelligents comme les loups demeure complexe et particulièrement dynamique. Elle exige, selon les chercheurs du réseau Coadapht, un processus continu de coadaptation entre les loups et les humains, qui ne peut reposer uniquement sur les éleveurs, mais qui doit être conçue et gérée collectivement à l’échelle des territoires. »
Des solutions qui me paraissent marquées au coin du bon sens, portées par des scientifiques que l’on ne peut accuser de parti pris ,et que l’on devrait se dépêcher de mettre en œuvre en France, je suis un pragmatique invétéré, car pendant ce temps là le carnage continue…
A bientôt
Jean-Luc